Cette nouvelle de Samuel Beckett, publiée en 1970 mais datant de l’immédiat après Seconde Guerre mondiale, a tout du petit bijou littéraire. Pour la première fois, l’écrivain irlandais compose directement en français, jouant avec humour de son étonnement pour notre langue dont il use avec une sobriété qui fera date. Comme souvent chez lui, le romantisme est absent de toute relation humaine. Deux marginaux se rencontrent sur un banc public : le narrateur, double de l’auteur vivant à la rue après la mort de son père, et une prostituée dont il comprendra, tentant de la fuir, qu’il en est amoureux. Sur scène, le comédien au grain de voix particulier, brille de lucidité sur ses pairs malgré une misanthropie le poussant à rechercher le réconfort des cimetières plutôt que la compagnie des Hommes. Il est seul sur une chaise décatie qui grince lorsqu’elle pivote, avec son vieux chapeau de toujours, dans le respect des exigences de Beckett proscrivant musique, décor et gesticulations. Nous voilà quelque part entre l’absurde lumineux de Camus et la tendre tristesse de Romain Gary.

Tarif: C

Photo : © Christophe Raynaud de Lage

Il est des expériences que l’on n’oublie pas, qui s’ancrent dans les veines et nous conditionnent pour le reste de notre vie. Jean-Quentin Châtelain, une des plus imposantes figures du théâtre romand, a gardé de sa petite enfance sur les routes le goût du voyage. Pionniers du nouveau nomadisme, son père et sa mère ont sillonné l’Europe pendant plus de 10 ans à bord d’un camion aménagé en camping-car. Artistes et passionnés, ils entreprirent de visiter tous les musées de France, d’Espagne et d’Italie, s’arrêtant plusieurs mois dans une ville avant de reprendre la route. «Je suis né en voyage et j’ai arrêté le voyage à 3 ans. Je me souviens que je dormais sur la caisse à outils», glisse-t-il avec émotion. Depuis, le comédien voyage d’une famille théâtrale à l’autre, au gré des invitations. « Je suis un itinérant, je vais de port en port. »

Premier Amour de Samuel Beckett / Avec : Jean-Quentin Châtelain

Mise en scène : Jean-Michel Meyer

Création lumière et régie générale : Thierry Capéran

Jean-Quentin Châtelain incarne à merveille la vie foutraque de ce promeneur solitaire inadapté au monde et à la vie.

Télérama