MÉLINÉ KELOGLANIAN
MA GALERIE SONORE – JUIN
MA GALERIE SONORE est un espace virtuel dédié à l’art radiophonique lancé la saison dernière. Entre septembre et juin, des personnalités, réalisateurs et réalisatrices, artistes et radios complices proposent une sélection coup de cœur de trois œuvres audio ou émissions à l’écoute sur mascenenationale.eu et radioma.eu.
MÉLINÉ KELOGLANIAN
MA GALERIE SONORE – JUIN
MA GALERIE SONORE est un espace virtuel dédié à l’art radiophonique lancé la saison dernière. Entre septembre et juin, des personnalités, réalisateurs et réalisatrices, artistes et radios complices proposent une sélection coup de cœur de trois œuvres audio ou émissions à l’écoute sur mascenenationale.eu et radioma.eu.
Directrice de la Philharmonie des enfants, un espace de jeu conçu pour les enfants de 4 à 10 ans dédié à la découverte des sons et de la musique, situé au cœur de la Philharmonie de Paris. Grâce à une trentaine d’installations manipulables, les petits visiteurs vivent une expérience sensorielle inédite, les oreilles grandes ouvertes !
LA
SÉLECTION
TATION
DE LA
SÉLECTION
Méliné Kloglanian est directrice de La Philharmonie des Enfants, un espace dédié à l’exploration sonore et musicale des plus jeunes, à l’intérieur de La Philharmonie de Paris.
Méliné Keloglanian, vous êtes en charge de La Philharmonie des enfants au sein de la Philharmonie de Paris. Peut-être pouvez-vous commencer en nous racontant ce qu’est cet espace au sein de cette immense institution musicale.
La Philharmonie des Enfants, c'est un espace de jeu qui a ouvert en septembre 2021 et qui fêtera donc bientôt ses quatre ans. Il est dédié aux enfants de quatre à dix ans, et comprend une trentaine d'installations manipulables. C’est par le jeu et par une découverte en toute autonomie que les enfants découvrent le monde de la musique et des sons. La vraie particularité, c'est qu'il n'y a pas d'adultes médiateurs (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de médiation !). Il y a plein de choses qui ont été pensées dans ce lieu pour que ce soit très intuitif et très ergonomique, mais il n'y a pas de personnes référentes qui expliqueraient aux enfants ce qu'ils doivent faire, ce qu'ils doivent sentir, ce qu'ils doivent percevoir. C'est vraiment un moment où on peut laisser libre cours à son imagination, à ses sensations, à ses émotions, et où l’on fait sa propre expérience du lieu, du monde, des sons et de la musique. C’est avant tout une approche sensible et personnelle, un lien sur les émotions.
La Philharmonie des enfants est un espace permanent, mais dont le contenu peut se renouveler régulièrement, notamment pour faire écho à la programmation de la Philharmonie de Paris. Il a vocation à perdurer sous cette forme-là, mais on réfléchit parallèlement et en permanence à d'autres propositions. Par exemple, avec nos pop-up qui sont des installations tirées du lieu mais en version beaucoup plus légère. Installations que l’on propose à des festivals, des événements, etc. L’expérience n’est pas aussi immersive, mais c’est déjà une bonne approche.
Globalement, il s’agit surtout de compléter l'offre de la Philharmonie, mais à l’adresse des jeunes publics. L’offre est déjà extrêmement étoffée puisqu’il y a des ateliers, des concerts et des spectacles, des visites dédiées du musée, etc., mais il manquait un lieu permanent, ouvert toute l'année.
Cette relative absence d’adultes en charge de la médiation pendant la visite de la Philharmonie des enfants peut être vue comme un peu voisine de votre premier choix pour cette galerie sonore.
Le Jour où est un podcast d’ARTE radio qui fait entendre des enfants raconter une journée marquante de leur existence. Même si on peut y entendre une forme d’écriture, ce qui prévaut c’est avant tout la voix des enfants.
Alors, oui. Je suis pas dans les dessous de la production, mais c'est vrai que d'avoir une voix d'enfants comme ça qui délivre un témoignage brut, qui semble brut en tout cas quand on l’appréhende, je trouve ça extrêmement original. Pour les adultes, on le fait de plus en plus, et c'est même très courant aujourd’hui ce genre de reportage documentariste, de partage de vie, etc. Mais on ne l'avait pas pour les enfants. Je trouve également très juste le format dans lequel il est présenté. On prend les enfants au sérieux et on recueille leur expérience comme on recueillerait celle d'un adulte. Tout cela en quelques minutes, et c’est ce qui fait la force de ce podcast. Au final, ce n'est ni anodin, ni enfantin, c'est un vrai partage de quelque chose de fort et qui parle aussi bien aux enfants qu'aux adultes. Sur cette idée assez simple en apparence, ce podcast fait réellement confiance aux enfants quant à leur rapport aux évènements de leur propre vie et à la façon dont ils veulent les raconter.
En plus d’être réalisé par différentes personnes, ça n'est pas tout à fait le même type de témoignage à chaque fois. En fonction des contextes, des âges, les récits sont plus ou moins légers mais grâce à la qualité de la réalisation, du montage, de l’écriture, on arrive toujours à partager un bout de vie qui ouvre le plus souvent sur un peu de philosophie…
Votre seconde proposition est un épisode du podcast La Balise, produit par La Philharmonie de Paris, qui est consacré au Krump, un mouvement de danse de la constellation du hip-hop. C’est intéressant de découvrir une danse par la radio. Pourquoi ce choix ?
Ça n'est pas forcément pour le Krump que je l’ai choisi, mais plutôt pour illustrer le travail de La Balise. Mais tout de même, ce que je trouve très intéressant, c'est que justement, le Krump, c'est énormément de choses, pas uniquement de la danse. C’est une esthétique musicale, un parcours, une philosophie. Je n’avais aucune idée de ce fonctionnement par familles, de ces questions de progression, d'aspiration, etc. Je n’avais pas du tout perçu tout ça, dans ce qui semblait être « seulement » une expression musicale et chorégraphique. Par ailleurs, la réalisation fait quelque chose de très intéressant en partant de cette culture d'affrontement, de gamification, c’est-à -dire en imitant l’univers des jeux vidéo de combat. Ça fonctionne bien et ça permet de plonger un peu plus dans l'univers du Krump et par exemple de comprendre le recours aux avatars, ou bien encore la logique des défis (les call-out) à la base de cette culture. Voilà, c'est une belle production qui m'a permis de comprendre pas mal de choses sur la forme et le fond du Krump, d’aller un peu plus loin que ce que j’avais pu voir entre autres dans Les Indes galantes.
Et concernant La Balise, c’est une radio qui a été lancée par la Philharmonie de Paris et dont je suis donc les productions avec attention. C’est une radio de création qui permet à des jeunes qui ont envie de se professionnaliser dans le monde de la radio, d’être accompagnés. Ils rencontrent des professionnels, des associations, réalisent des podcasts, mènent leurs propres projets. C'est intéressant d’entendre ce que ce travail peut donner et de la même façon que précédemment, je trouve ça très intéressant de partir du point de vue des jeunes.
Il se passe beaucoup de choses sur La Balise, dont des lives qui ressemblent presque à des productions de spectacle vivant tellement il y a de public qui assiste. Et puis ces podcasts où l’on trouve toujours une grande attention à la musique, à la puissance de la narration sonore, et aussi, bien sûr, un grand soin porté à la réalisation.
Pour finir, vous avez souhaité sortir un peu du cadre habituel et votre dernière proposition n’est pas à proprement parler un podcast mais plutôt une « collection » de sons… vous pouvez nous en dire plus ?
J’ai découvert le projet Sonic Heritage assez récemment grâce au Courrier international qui republiait un article du Times1. Cette plateforme qui existe depuis assez longtemps est le travail d’un artiste qui s'appelle Stuart Fowkes. Il s’agit d’une collection de sons captés sur les sites du classement au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Personnellement, j’ai découvert la notion de « paysage sonore » au gré de l’aventure de la Philharmonie des enfants, et c’est un axe qu’on a creusé avec la commissaire du lieu. Nous avons notamment exploré comment les sons qui nous entourent peuvent enrichir l’expérience immersive du dispositif. Et je crois que cette idée de patrimoine sonore mondial est intéressante en soi. Associer des sons à des lieux, à des moments de vie, ça fait partie de notre sensibilité et on l'oublie parfois, alors que sur les odeurs et sur les goûts, la Madeleine de Proust a déjà largement contribué à nous faire prendre conscience de ce rôle. On a tous un souvenir d'une petite chose qui nous évoque des lieux, des moments, des choses comme ça. Et peut-être qu’avec le développement du podcast, on a de plus en plus une attention aux sons et de leur capacité à provoquer le même effet. Avec un seul son, on dit déjà beaucoup de choses, c’est encore plus vrai pour une ambiance sonore telle que présente sur Sonic Heritage. Je trouve ça hyper intéressant comme démarche : il y a des sons qui sont des ambiances, parfois c'est le son du bâtiment lui-même, ou c'est simplement un micro qui est posé à un endroit, à un moment de la journée, etc. Souvent, en plus de l’enregistrement brut, la plateforme publie la réinterprétation du son aussi par un artiste, ce qui permet d'avoir aussi une autre écoute, quelque chose de plus personnel. L’ensemble fait vraiment une très belle collection.
Je me souviens que plus jeune, j'avais été fascinée par l’apparition de la fonction street view de Google Maps et par la nouvelle possibilité d’aller « visiter » virtuellement tout un tas d’endroits dans le monde. Je trouve que la dimension sonore manque, ça ne donne pas du tout la même sensation. J’y suis très attachée et d’ailleurs il m’est arrivé d’enregistrer moi-même des sons dans ce but, l’allumage d’un vieux néon dans la cuisine ou le craquement d’une marche particulière de l’escalier... Ce sont des choses hyper fortes ces souvenirs et je crois que ce que ce site propose, c'est de cet ordre-là.
Entretien réalisé par Adrien Chiquet avec Méliné Keloglanian
Juin 2025