GALACTIK ENSEMBLE

JANVIER
MA GALERIE SONORE

MA GALERIE SONORE est un espace virtuel dédié à l’art radiophonique. D’octobre à juin, des artistes invité·es, personnalités et complices de la saison proposent une sélection coup de cœur de trois œuvres audio ou émissions à l’écoute sur mascenenationale.eu et radioma.eu.

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MA GALERIE SONORE est un espace virtuel dédié à l’art radiophonique. D’octobre à juin, des artistes invité·es, personnalités et complices de la saison proposent une sélection coup de cœur de trois œuvres audio ou émissions à l’écoute sur mascenenationale.eu et radioma.eu.

galactikensemble.com

Formés dans les écoles de cirque, Mathieu Bleton, Jonas Julliand et Karim Messaoudi considèrent leur art comme poreux et pluridisciplinaire, s’inspirant du cinéma, des arts plastiques et du sport. Jouant avec le risque, la mécanique et l’absurde, le Galactik met en scène des espaces instables où la physicalité flirte avec le chaos contrôlé.

Dirigée par Mathieu Bleton, Jonas Julliand et Karim Messaoudi, le Galactik Ensemble est une compagnie de cirque contemporain qui flirte avec de nombreuses disciplines. Leur dernier spectacle Frasques est présenté à MA Scène Nationale le mercredi 14 janvier. Entretien avec Jonas Julliand.

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Votre sélection dans son ensemble apparaît peut-être plus frontalement politique que ne le sont vos spectacles. Par exemple, pour commencer, il y a ce questionnement de Jacques Rancière, sur France Culture : « Les images sont-elles politiques ? »

Effectivement. On a fait cette sélection à trois, avec Karim et Mathieu, comme un patchwork de ce qu’on écoute en ce moment. Je pense qu’on a voulu éclairer la dimension un peu politique de notre travail, notre engagement en tant qu'artistes. Et donc Jacques Rancière ça nous a paru pertinent parce que dans nos spectacles il y a une volonté de travailler sur des images qui sont poétiques mais qui ont aussi une connotation politique. En ça la réflexion de Jacques Rancière est assez intéressante puisque c'est quelqu'un qui réfléchit avant tout sur l’émancipation intellectuelle des dominés et c’est cohérent avec ce que nous, on a envie de défendre. Dans tous nos spectacles même s’il n’y a pas de prise de parole, ce sont les images qui résonnent souvent avec certaines situations politiques mondiales d’aujourd’hui. Enfin, en tout cas, on nous a déjà confronté à ça et donc c’est l’occasion de dire clairement que oui, effectivement, pour nous il y a une portée politique à notre travail. Et tout le discours de Rancière est construit autour de ça.

Ce qui compte pour nous c’est qu’il y ait une pluralité de lecture possibles à ce que l’on fait. Chaque image, chaque spectateur la reçoit de sa propre manière, à son échelle : des regards d'enfants, d'adultes, de personnes qui ont vécu certaines choses que d'autres n'ont pas vécu. Du coup ça vient résonner avec chaque personnalité et parler à différents niveaux. C’est un peu ça, notre ligne conductrice. On essaie de toujours rester à cet endroit là et de venir questionner chacun avec la poésie de nos spectacles et avec ce qu’ils racontent.


Vous parlez d’émancipation intellectuelle des dominés, et votre deuxième proposition nous invite à envisager ça comme une stratégie pour mieux « se défendre ». Il s’agit d’un podcast de la philosophe Elsa Dorlin dans lequel elle évoque plusieurs axes de son livre Se Défendre, une philosophie de la violence.

C'est un peu une masterclass ce podcast. C'est hyper documenté, hyper bien construit. Elsa Dorlin cite des références très politiques pour parler de comment se construit, dans quel contexte, l'art de se défendre. Elle retrace l'histoire de plein d’arts martiaux, les contextes à dans lesquels ils se sont installés. Il se trouve que ce sont souvent des contextes politiques fascistes (même s’il y a aussi des contextes d’émancipation des femmes, par exemple). C’est très intéressant de voir comment on construit ces pratiques là autour d'une idéologie et de regarder ce que ça crée. Elle va très loin dans la recherche et c’est très fort.


Pour (presque) finir sur cette thématique politique, vous proposez un épisode des Pieds sur terre, la fameuse émission de France Culture, où deux journalistes racontent les « difficultés » rencontrées avec la police lors de manifestations. C’est une émission de 2023 qui date donc d’avant les révélations récentes et accablantes quant aux violences perpétrées par les gendarmes durant les manifestations à Sainte-Soline. Quel axe d’écoute vous a donné envie de partager ce podcast ici ?

On n'a pas particulièrement envie de de se positionner mais je crois que ça montre clairement que la répression, la répression d'État, en France, s’attaque aux journalistes. On trouve ça grave qu’il n'y ait pas le respect de la carte de presse alors même qu’un journaliste qui vient enquêter a le droit d'être là ! Il est légitime ! Il vient témoigner de ce qui se passe et ce qui est fait là, c’est qu’on l'empêche de témoigner. Cette volonté de cacher les choses, pour le dire vite, c’est assez proche du fascisme. On n'est pas déjà très politisés dans la compagnie, on a pas toujours défendu corps-et-âme des choses, mais on a la sensation aujourd'hui que dans notre société en tout cas, nous on ne peut plus faire autrement : il faut se positionner, en tant qu’artistes. Du coup ça nous est arrivé, ces derniers temps, d'avoir à prendre des vraies positions politiques et de les formuler, ce qu'on faisait moins avant. Tout simplement parce que ça nous paraît essentiel dans la société actuelle. Ce podcast là vient bien résonner avec ça, il dit : regardez, même en France on en est là.


Par contraste, l’aventure de Cargo 92, qui est le sujet du podcast suivant, peut apparaître comme une naïve entreprise de doux rêveurs. Qu’est-ce que vous inspire aujourd’hui la folle tournée en Amérique du Sud et en cargo d’une brochette artistes du début des années 90 ?

On a trouvé ça intéressant pour l'aventure. Déjà parce que c'est une époque qui n’existe plus. On ne peut pas lever autant de fonds aujourd'hui pour faire ce genre de choses et on se dit que c'est incroyable ce qu’il était possible de faire à l'époque. Bien sûr, c’était des gens « en place » : Royal de Luxe, la Mano Negra, Philippe Découflé juste après les JO, ce sont devenu des figures historiques et déjà à l’époque c’était des pontes de la culture française qui avait besoin de rayonner ! Je crois qu’aujourd'hui on ne pourrait pas mettre mettre en place la même stratégie avec les mêmes moyens. Déjà, acheter un cargo ! C'est dingue. Ils racontent ce moment incroyable où ils vont acheter le cargo avec l'argent de la mairie de Nantes. C’est l’adjoint à la mairie de Nantes qui va avec eux si je me souviens bien, alors quand on voit qu’aujourd’hui la même région Pays de la Loire, celle de Nantes, a coupé toutes les subventions à la culture, ça donne une idée du changement d’époque ! C'était des années dorées et on a conscience, notre génération, qu’on est arrivé après cette génération là et que pour les plus jeunes que nous, ceux qui arrivent maintenant sur le marché, c'est encore plus dur. Et ça va l’être de plus en plus. Alors on a pris ce podcast comme le témoignage d'une époque qui est malheureusement complètement révolue mais dans laquelle a pu exister ce projet était quand même magnifique et le tout avec de la culture plutôt populaire, c’est pas l’Opéra de Paris qui était sur le cargo ! 


Eh bien justement, ce parcours de votre Galerie Sonore finit avec une figure parmi les plus populaires qu’ait connu le cirque : Achille Zavatta. Quel est votre rapport à l’histoire du cirque et à ce cirque là en particulier.

Alors, c'est une histoire qui est très loin de mon cirque, de notre cirque à nous trois je pense. Après, on n'est pas tous raccord par rapport à ça, on n'a pas tous le même vécu. Mais quand même, dans notre travail on s’éloigne d’un cirque de la performance, de la démonstration. Pour plein de raisons. C'est notre chemin, c'est le cirque contemporain, et nous aussi on a besoin d’avancer dans une certaine direction, sans aucune prétention. Alors là, avec Zavatta, nous ce qu'on aime bien c'est le personnage. Cette vie, c’est hyper marrant de l’entendre raconter. Par exemple je ne savais pas qu’il avait chanté, c'est touchant, je trouve ça hyper beau. Du coup on se rend compte qu’il n’est pas allé à l'école, qu’il s’est formé tout seul, qu'il a été sur la piste dès le début avec tout le monde, etc. C’est beau de voir quelle intelligence il avait au travail et dans la manière de gérer sa carrière qui est quand même brillante ! Et puis lui, il est très charismatique. Même si on s'en est vraiment éloigné, c’est de là que vient notre art à nous. Notre cirque se mélange à beaucoup d'autres arts et même si on s’éloigne de l’aspect performance, il nous reste en commun une certaine forme de prise de risque. 


Entretien réalisé par Adrien Chiquet avec Jonas Julliand
Janvier 2026

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